Ce calme plat, ce léger vent, les cailloux qui s’étalent sous mes mouvements jambe et ces fesses ankylosées.
je regarde les fenêtres brillantes qui reflètent d’autres fenêtres brillantes
« je suis occupé ! » des bribes me parviennent, toujours accompagnées de ces roucoulement de pigeons qui fêtent sûrement le printemps. Pas moi.
je ne savais pas qu’il y en avait autant, ils sont devenus la population la plus active de la ville. Plus visibles que les humain.es. je cherche les traces de mes semblables ainsi, sur le toit. je me suis dit que j’aurais une meilleure vue d’en haut. Pour comprendre ce moment, voir les autres humain.es. Peut-être suis-je plus touchée parce qu’ils elles me ressemblent. Qu’ils sont juste caché.es derrière les fenêtres brillantes mais que je peux y croire. Qu’elles ils sont là. Que pensent-ils elles ? Les murs des maisons sont assez épais pour étouffer ces bruits ?
je repense au monsieur qui m’a dit bonjour à droite, la première fois que je suis montée sur le toit. Il m’a parlé de cette si petite fenêtre, ouverture vers le monde. j’ai répondu gaiement, enfin j’avais trouvé un comparse.
Pourtant il est reparti. je suis redescendue. Mais je ne suis pas redescendue dans la rue. je reste là à m’occuper, à parler avec les gens que j’aime, et on oublie, on omet cette situation qui est pourtant derrière ces gros murs, derrière ces écrans, derrière les vitres, pas brillantes de l’intérieur.
je me sens comme une enfant, désoeuvrée à l’heure de la sieste en été, quand mes parents allaient dormir quelques heures parce qu’il faisait trop chaud. j’étais partagée, je n’étais pas libre de mes mouvements car mes parents voulaient que je me repose également, et moi je n’en avais pas envie. j’avais ces quelques heures silencieuses où tous les adultes me semblaient endormis. Ce temps si précieux et si improbable.
je quittais ce drap léger et me chaussais pour retrouver les autres au parc. Nous étions là. Le monde était à nous, et les adultes dans un autre monde, mais certainement pas celui-ci.
L’heure de la sieste que je détestais est devenu un moment favori, qui me fait encore sourire aujourd’hui (pour les bêtises surtout).
je ne suis plus en vacances en Italie à cette heure de l’après-midi si chaude et silencieuse, au contraire je tremblote un peu de froid et mes parents sont à plusieurs centaines de kilomètres. Pourtant c’est de nouveau l’heure de la sieste. A moi de décider si je veux dormir ou sortir en douce. Pas sortir impunément de chez moi en ignorant tout, mais sortir de cette situation. Vivre ce temps précieux chaque jour en allant à la rencontre des autres enfants, ceux celles qui n’avaient pas envie de faire la sieste.
Ecriture automatique sur un toit de Mulhouse, à la suite de l’écoute du journal de confinement de Wajdi Mouawad, par Laura.